Ô lumineux matin, jeunesse des journées,
Matin d’or, bourdonnant et vif comme un frelon,
Qui piques chaudement la nature, étonnée
De te revoir après un temps de nuit si long.
Matin, fête de l’herbe et des bonnes rosées,
Rire du vent agile, œil du jour curieux,
Qui regardes les fleurs, par la nuit reposées
Dans les buissons luisants s’ouvrir comme des yeux.
Heure de bel espoir qui s’ébat dans l’air vierge
Emmêlant les vapeurs, les souffles, les rayons
Où les coteaux herbeux, d’où l’aube blanche émerge,
Sous les trèfles touffus font chanter leurs grillons.
Belle heure, où tout mouillé d’avoir bu l’eau vivante,
Le frissonnant soleil que la mer a baigné
Éveille brusquement dans les branches mouvantes
Le piaillement joyeux des oiseaux matiniers,
Instant salubre et clair, ô fraîche renaissance,
Gai divertissement des guêpes sur le thym,
— Tu écartes la mort, les ombres, le silence,
L’orage, la fatigue et la peur, cher matin…
Anna de Noailles, Le Cœur innombrable, 1901
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Les petits commentaires de Pierre-Jean.
# "après un temps de nuit si long" ; quand les songes envahissent nos nuits, et qu'il en reste un grand soupir, oui, la durée de ces nuits est celle d'une petite vie, remplie toutefois...
# "Les fleurs qui s'ouvrent comme des yeux". J'aime cette phrase ; on y voit tellement clair, le matin ! Les paupières de la vie s'ouvrent..
# "L'air vierge". Un monde immaculé... pas encore corrompu. Propre.
# " ....ô fraîche renaissance." Et tout est à nouveau possible le matin ! La soeur de la renaissance est l'espérance.
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Bonne nuit à toutes et à tous..... Chouette, on attend les nouveaux mots, les nouvelles annonces de demain !
Pierre-Jean