BARJAVEL / LA NUIT DES TEMPS. I
# Tout allait bien, le ciel était bleu, la coupole ronronnait doucement.
Païkan se dévêtit et rejoignit Eléa dans la piscine. En le voyant arriver, elle rit et plongea. Il la retrouva derrière les voiles irisées d'un poisson-rideau nonchalant qui les regardait d'un oeil rond, corail.
Païkan leva les bras et se laissa glisser derrière elle. Elle s'appuya à lui, assise, flottante , légère . Il la serra contre son ventre, prit son élan vers le haut et son désir dressé la pénétra. Ils reparurent à la surface comme un seul corps.
Il était derrière elle, et il était en elle, elle était blottie et appuyée contre lui, il la pressait d'un bras contre sa poitrine, il la coucha avec lui sur le côté et du bras gauche se mit à tirer sur l'eau. Chaque traction le poussait en elle, les poussait tous les deux vers la grève de sable.
Elea était passive comme une épave chaude. Ils arrivèrent au bord et se posèrent, à demi hors de l'eau. Elle sentit son épaule et sa hanche s'enfoncer dans le sable. Elle sentait Païkan au-dedans et au-dehors de son corps. Il la tenait cernée, enfermée, assiégée, il était entré comme le conquérant souhaité devant lequel s'ouvrent la porte extérieure et les portes profondes. Et il parcourait lentement, doucement, longuement, tous ses secrets.
Sous sa joue et son oreille, elle sentait l'eau tiède et le sable descendre et monter, descendre et monter. L'eau venait caresser le coin de sa bouche entrouverte. Les POISSONS-AIGUILLES frissonnaient le long de sa cuisse immergée. Dans le ciel où la nuit commençait, quelques étoiles s'allumaient. Païkan ne bougeait presque plus. Il était en elle un arbre lisse, dur, palpitant et doux, un arbre de chair, bien-aimé, toujours là , revenu plus fort , plus doux, plus chaud, soudain brûlant, immense, embrasé, rouge, brûlant dans son ventre entier, toute la chair et les os enflammés jusqu'au ciel.
Elle étreignit de ses mains les mains fermées autour de ses seins et gémit longuement dans la nuit qui venait.
Une immense paix remplaça la lumière. Elle se retrouva autour de Païkan. Il était toujours en elle, dur et doux. Elle se reposa sur lui comme un oiseau qui s'endort. Très lentement, très doucement, il commença à lui préparer une nouvelle joie. #
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".... et l'avantage, avec le poisson-rideau, c'est qu'on a la possibilité de le tirer, ce rideau, si on le souhaite..... quand l'arbre de chair devient ... rouge ! " Pierre-jean.