Franz KAFKA : " Le Château".
(traduit de l'allemand par Alexandre Vialatte). "Le château", est, avec "Le Procés", le chef-d'oeuvre de Kafka, né à Prague en 1883. Créteur d'un univers fantastique, mais vrai, et qui paraît, même aujourd'hui, prophétique.
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Je lisais ce matin quelques pages de ce livre que je terminerai sans doute. Quand on aime, on va jusqu'au bout, ou du moins, on en fait la tentative.
Même si l'histoire ne prête pas forcément à rire, on se surprend à sourire, à rire, à certains moments ; simplement parce-que c'est superbement écrit, bien tourné, par un virtuose de la plume. Chaque page entraîne le lecteur sur des chemins toujours inattendus...
Et c'est cela qui me plaît, justement : ce qui est inattendu. complètement imprévu ; on prend dans la main un roman qui paraît un peu solennel, et en avalant une vingtaine, trentaine de pages, on plonge dans une intrigue en apparence sérieuse. Le personnage principal est confronté à des situations toujours complexes, mais son sens de l'organisation est telle, et son tempérament tellement trempé, qu'il se faufile avec une aisance déconcertante dans un univers inconnu, pour commencer. Au point de vous faire verser une ou deux larmes de rire, de vos yeux qui boivent les mots imprimés.
Ecrit par Pierre-Jean, le 22 janv 2023.
Voici l'extrait proposé, en rapport avec le titre " Offre d'hospitalité... mais contents de vous savoir dehors !" =
# - Monsieur l'arpenteur, dit-il, vous ne pouvez pas rester ici. Excusez-moi de cette impolitesse.
- Je ne voulais pas rester, non plus, dit K., je voulais simplement me reposer un peu. C'est fait, maintenant, je m'en vais.
- Vous êtes sans doute surpris, dit l'homme, de notre peu d'hospitalité. Mais l'hospitalité n'est pas d'usage chez nous, nous n'avons pas besoin d'hôtes.
Un peu remonté par son sommeil, l'oreille plus nette qu'auparavant, K. fut heureux de ces franches paroles. Il bougeait plus librement ; il s'appuyait sur sa canne et allait tantôt ici, tantôt là, il s'approcha de la femme étendue dans le fauteuil ; il était d'ailleurs physiquement le plus grand de toute la salle.
- Certainement, dit-il, qu'avez-vous besoin d'hôtes ? De temps en temps pourtant cela peut arriver, par exemple, avec moi, l'arpenteur.
- Je ne sais pas, dit l'homme lentement ; si l'on vous a fait venir c'est sans doute qu'on a besoin de vous, je pense que c'est une exception, mais nous qui sommes de petites gens, nous nous en tenons à la règle, vous ne pouvez nous en vouloir.
- Certainement, dit K., je ne vous dois que des remerciements à vous et à tous ceux d'ici.
Et, à la grande surprise de tous, il se retourna littéralement d'un bond et se trouva devant la femme. Elle se mit à regarder K. de ses yeux bleus et fatigués ; le châle de soie qu'elle portait sur la tête lui retombait jusqu'au milieu du front, le nourrisson dormait contre son sein.
- Qui es-tu ? demanda K. // D'un air de mépris dont on ne savait s'il s'adressait à K. ou à sa propre réponse, elle dit : "une femme du Château".
Cette scène n'avait demandé qu'un instant ; mais K. avait déjà un homme à droite et l'autre à gauche, et, comme s'il n'y avait plus eu d'autre moyen de se faire comprendre, on le traîna jusqu'à la porte sans mot dire mais avec toute la force possible. Le vieux en parut heureux, car on le vit battre des mains. La laveuse riait aussi près des enfants qui s'étaient mis à faire soudain un tapage fou. K. se trouva bientôt dans la rue, les hommes le surveillaient du seuil. #
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Et en plus, si ça amuse les enfants......
A très vite, bonne semaine à venir, et prudence avec le froid !
Pierre-jean